Homéopathie et pathologies graves

Par une coïncidence pleine de sens, alors que je rédigeais cet article, j’ai trouvé le passage suivant de Marcel Proust dans « La recherche du temps perdu », (in La prisonnière) :


« La nature ne semble guère capable de donner que des maladies assez courtes. Mais la médecine s’est annexée l’art de les prolonger.


Les remèdes, la rémission qu’ils procurent, le malaise que leur interruption fait renaître, composent un simulacre de maladie que l’habitude du patient finit par stabiliser, par styliser, de même que les enfants toussent régulièrement par quintes longtemps après qu’ils sont guéris de la coqueluche. Puis les remèdes agissent moins, on les augmente, ils ne font plus aucun bien, mais ils ont commencé à faire du mal grâce à cette indisposition durable. La nature ne leur aurait pas offert une durée si longue. C’est une grande merveille que la médecine, égalant presque la nature, puisse forcer à garder le lit, à continuer, sous peine de mort l’usage d’un médicament.


Dès lors, la maladie artificiellement greffée a pris racine, est devenue une maladie secondaire mais vraie, avec cette seule différence que les maladies naturelles guérissent, mais jamais celles que crée la médecine, car elle ignore le secret de la guérison. »



Bien sûr cette pensée contient quelques excès « Proustiens » : Elle condamne toute la médecine sans discernement, et c’est sans prendre en compte des avancées formidables de la médecine allopathique moderne qui permet de guérir des maladies graves et qui étaient mortelles il n’y a pas si longtemps ; mais il faut la replacer dans son contexte et dans ce qu’était la médecine à l’époque de Proust.Par ailleurs nous considerons en Homéopathie qu’une maladie évolue spontanément soit vers la guérison, soit vers la mort (ce qu’oublie Proust…)


Mais cela étant dit, si l’on veut bien prendre en compte cette pensée de Proust pour éclairer ce que nous Vétérinaires pouvons parfois engendrer avec la seule allopathie alors cette pensée a un côté vraiment moderne et encore tout à fait adapté à notre époque me semble-t-il.


Bien entendu lorsque la cause réelle d’une maladie est connue, identifiée et que l’on possède une molécule chimique allopathique capable sans engendrer d’effets secondaires gravissimes de supprimer cette cause morbide il faut administrer ce traitement sans hésiter (c’est par exemple le cas de toutes les parasitoses, telle une piroplasmose aigue) ;et même parfois il faut prendre le risque d’effets secondaires graves pour sauver un être malade, voire utiliser un médicament allopathique sans en savoir dans telle indication nécessairement tous les effets secondaires


Mais quel pourcentage de maladies cela concerne-t-il ?


Dans la pratique clinique d’un vétérinaire omnipraticien ce n’est pas la majorité des cas rencontrés, loin de là, à l’instar de ce que vivent nos collègues en médecine humaine ; et que penser déjà des pathologies récidivantes avec une cause connue où si l’on s’en tenait à la seule démarche allopathique cela nous conduirait à represcrire la même molécule (ou tout au moins la même classe de molécule) de façon répétée, alors que ces pathologies nous invitent déjà davantage à chercher à stimuler les défenses propres de l’être à soigner, ce qui sera la seule voie vers une guérison réelle, la seule.


C’est pour ces raisons, selon moi, qu’aucune médecine unique ne peut suffire à soigner un être tout au long de sa vie. Les médecines de terrain (homéopathie, acupuncture, naturopathie et nutrition, ostéopathie, mésothérapie, voire associées avec des thérapies dites parfois « comportementales » je préfère pour ma part dire : « la prise en charge des troubles de la relation entre les maîtres et leur animal », …) ont de mon point de vue bien souvent la première place (quand bien même l’allopathie est tout aussi précieuse et nécessaire parfois).


Et contrairement à ce que l’on peut lire de temps en temps dans notre presse professionnelle et ailleurs, je pense que si le diagnostic et le cadre thérapeutique sont bien posés, une médecine comme l’homéopathie, (je parle d’elle puisque c’est celle que j’exerce souvent depuis longtemps, mais d’autres praticiens pourraient choisir de parler d’une autre médecine), l’homéopathie donc, prescrite dans les règles de l’art, peut guérir des maladies parfois graves au pronostic pourtant sombre.


Cas Clinique : E… est un cheval de selle

Âgé de 7 ans lorsque sa propriétaire désemparée me contacte : E…. présente une fourbure de l’antérieur droit récidivante depuis plus d’un an maintenant avec le jour de ma première consultation ostéolyse et début de bascule de la troisième phalange (constaté radiologiquement ).


Des confrères vétérinaires équins allopathes extrêmement compétents dans leur domaine, n’ont rien pu faire dans ce cas malgré des injections répétées entre autres de corticoïdes, vasodilatateurs etc.Par ailleurs, les techniques de ferrage de soulagement et correction d’appui ont été tentées, ainsi que les corrections nécessaires de la ration alimentaire sans amélioration probante durable.


Les médicaments ont dans un premier temps apporté un soulagement à E… mais ensuite sans ses injections E… souffrait terriblement, il a donc fallu les répéter en augmentant les doses puis petit à petit leur effet s’est estompé et E…. ne pouvait plus être monté par sa propriétaire et la « mise à la retraite » a été préconisé lorsque sa maîtresse me contacte. (ce qui correspond exactement à la description faite par Proust ci-dessus, on pourrait dire qu’E…. « devait garder le lit » après tout ça !)


Il se trouve que dans ce cas je n’ai pas eu à faire de répertorisation.


NB : En effet, en Homéopathie nous devons dans un premier temps valoriser puis hiérarchiser les symptômes(voir mes précédents articles dans la Dépêche vétérinaire)qui nous conduisent au remède similimum du malade à soigner.


Plus un symptôme sera rare, bizarre et curieux dans la vie de l’animal plus il sera hautement valorisé au sens homéopathique du terme (puisque caractéristique du malade, ce n’est donc presque jamais les symptômes retenus allopathiquement qui conduiront au diagnostic homéopathique)


Quant à la répertorisation, nous utilisons en Homéopathie des répertoires de la matière médicale où les symptômes sont classés selon une hiérarchie bien établie à la fois dans la succession des différentes rubriques (par exemple les symptômes psychiques sont considérés comme les plus hautement valorisés et constituent le premier chapitre d’un repertoire) et aussi au sein même d’une rubrique la succession des sous-rubriques suit un ordre précis.


Ici E… avait un symptôme que l’on appelle « latéralité » en Homéopathie qui m’a tout de suite interpellé : ses symptômes, à chaque poussée de fourbure, commençaient immanquablement toujours par l’antérieur droit pour se généraliser ensuite aux autres membres. Le chef de file très connu de cette modalité est Lycopodium ; or E… présentait spontanément dans sa typologie beaucoup de signes d’appel de Lycopodium, ce qui ne faisait que confirmer ma première impression qui est presque toujours déterminante en clinique (comme souvent dans toute situation de la vie) lorsque l’on est bien en lien avec soi-même ce qui était le cas ce jour là…


Ses symptômes (ceux de la matière médicale de Lycopodium en fin de compte) en voici quelques uns :


Manque de confiance en lui, (c’est la grande clé du remède), peut être hésitant pour prendre une décision, crainte de ce qui est nouveau (nouveau parcours pour un cheval par exemple…) du coup essaye d’anticiper beaucoup pour tenter de garder ou de retrouver le pouvoir et le contrôle.

Du coup Fatigue psychique fréquente, lassitude (entre 16 et 20H = modalité horaire).

Comme l’énonce le médecin Homéopathe Didier Grandgeorge :« Dans la société les sujets Lycopodium sont souvent des petits chefs aux vues étriquées, autoritaires, mais peu courageux souffrants de problèmes de foie et de vésicule biliaire »


(notons qu’en médecine traditionnelle chinoise la fonction de la vésicule biliaire relève de la capacité à se tenir dans la rectitude médiane, de la capacité à prendre une décision juste et courageuse, ainsi on peut mieux comprendre certains symptômes de Lycopodium énoncés plus haut


Toujours en médecine traditionnelle chinoise le foie (qui pour nous en occident est le centre de presque tous les métabolismes) représente le ministre des armées qui, comme il est écrit dans les textes anciens, est censé : « avoir si bien disposé ses troupes sur le terrain qu’il doit pouvoir gagner bataille avant même de l’avoir déclenchée » ….ce qui demande donc afin de pouvoir de se tenir dans la « rectitude médiane », de pouvoir être clairvoyant donc d’avoir une grande confiance en soi )


Désir de sucreries, appétit facilement comblé par de petites quantités

Troubles gastrointestinaux :nombreux gaz, ballonnements, constipation, reflux oesophagien

Psoriasis (chez l’homme et dermatoses équivalentes chez l’animal = « neurodermatoses »), urticaire

J’ai d’emblée prescrit à E… deux doses de Lycopodium 1000K (dilution à la millième Korsakovienne) à 15 jours d’intervalle : trois jours après la prise de la première dose (alors que les traitements allopathiques classiques étaient arrêtés depuis deux semaines) E…. a recommencé à trotter sans boiterie, au bout d’une semaine sa propriétaire a recommencé à le monter en manège dans un premier temps !


Quelques jours après la prise de la deuxième dose sa propriétaire a tenté une ballade en forêt voisine du club hippique, d’une dizaine de minutes sans problèmes.


Puis petit à petit E…. a quitté sa retraite pour la plus grande joie de sa propriétaire, de moi-même et j’espère de la sienne ! Il a pu être à nouveau monté normalement pour des grandes balades en forêt par sa propriétaire qui m’a rapidement dit avoir sauté quelques troncs d’arbres avec son cheval…


Au cours des sept années suivantes où j’ai accompagné E…. il a plusieurs fois eu des poussées de fourbure qui ont toujours débuté par l’antérieur droit, je demandais alors à sa propriétaire de lui administrer quelques doses de Lycopodium en dilution croissante (1000K deux fois puis 10000K) et tout rentrait dans l’ordre (il était fréquent qu’elle me dise que la chaleur de l’antérieur droit au moment des poussées disparaissait en deux jours après la prise de la dose de son remède)


Pendant toutes ces années E…. n’a plus jamais eu de traitement allopathique en particulier corticoïdes.


Lycopodium était son remède similimum (ou remède de fond)


Cas de X chien Yorkshire terrier

X, yorkshire terrier de 8 ans est amené à la consultation par un couple de retraités qui sont venus de très loin (cinq heures de voiture ) car là où ils habitent les vétérinaires consultés ont tous préconisé l’euthanasie de leur chien tant les nombreux et incessants traitements allopathiques entrepris depuis plusieurs années n’ont apporté aucune amélioration.


À l’examen clinique de X ce jour là, je peux comprendre le désarroi des collègues allopathes, et dois dire que si je n’avais pas l’homéopathie comme autre corde à mon arc thérapeutique je ne vois pas bien ce que j’aurai pu proposer de différent moi aussi….


X présente du point de vue allopathique une pyodermite chronique épouvantable, sans jamais aucun germes responsables isolés autre que les germes commensaux classiques, pas de parasite (genre démodex) isolé sur les nombreux raclages cutanés, biopsie etc, bilans sanguins normaux hormis les derniers après des années de corticoïdes et antibiotiques ainsi que traitements topiques (glycémie plus élevée, paramètres hépatiques au dessus des normes), pas de Cushing iatrogène ni d’autre pathologie endocrinienne sous jacente, pas d’allergie alimentaire mise en évidence, etc bref aucun diagnostic allopathique si ce n’est celui de pyodermite généralisée chronique résistante à tous les traitements.


X présente des rétractions cicatricielles terribles qui lui abaissent les babines et tendent sa peau en face interne de chaque cuisse (où la peau est noire et d’une finesse impressionnante ) le gênant beaucoup pour marcher.


Sa maîtresse et son maître âgés, me touchent beaucoup et tiennent énormément à leur chien ; c’est pourquoi ils ont fait cette longue route pour venir ma consultation et je me sens comme obligé de les aider. Pourtant ce jour là je n’y crois pas face à un tel cas, et je ne pense pas que l’homéopathie pourra tirer X d’une pathologie aussi sévère et ancienne ! Heureusement je n’ai pas écouté cette voix là.


Nous commençons après l’examen clinique habituel qui ne me donne rien de nouveau par rapport aux collègues déjà consulté et qui ont surement très bien examiné l’animal du point de vue allopathique


Dans l’anamnèse un élément me semble homéopathiquement très intéressant : c’est que X a fait très jeune (quelques mois d’âge) une cystite assez inhabituelle chez un chiot avec hématurie, douleurs abdominales et vomissements, qui a mis du temps à disparaître avec plusieurs antibiotiques prescrits à la suite les uns des autres.


Par ailleurs X est extrêmement fatigué depuis des années tout en alternant avec des phases de nervosité et d’agitation.


De surcroît, il a toujours présenté une hypersensibilité de toutes les parties du corps dès qu’on le touchait.


Je m’intéresse alors à nouveau aux lésions cutanées de X :


L’une d’elle est encore très inflammée avec un érythème circonscrit et une tuméfaction locale sousjacente, c’est un érysipèle.


Les maîtres me disent que souvent X a commencé dans ses poussées par faire des éruptions cutanées vésiculaires qui brûlaient (et qui pouvaient le démanger) puis cela donne l’aspect de la lésion que j’observe ce jour là


En homéopathie nous connaissons bien comme grand remède entrant souvent en similitude lors des symptômes de cystite Cantharis (dont un des symptômes cutanés d’appel est la tendance à faire des érysipèles)


Cantharis vient de la Cantharide que l’on appelle « la mouche espagnole » bien que cet insecte coléoptère de la famille des méloïdés ne soit pas une mouche.


Elle secrète par tous les pores de son corps un poison violent « la Cantharidine » substance très toxique qui provoque des brûlures sur la peau et les yeux, la lésion caractéristique sur la peau est la vésicule puis l’érysipéle à l’instar de la lésion présentée par X à la consultation ce jour là.


La Cantharidine provenant de la cantharis est encore employée de nos jours comme emplâtre vésicant, dans l’antiquité elle avait la réputation d’être aphrodisiaque sous forme de poudre de l’insecte, mais provoquait des inflammations des voies urinaires, avec hématurie, douleur abdominales et vomissements


X présentait ainsi beaucoup de signes de similitudes avec le remède Cantharis que je lui ai prescrit sous la forme de deux doses de CANTHARIS 15CH (dose à la quinzième centèsimale Hahnemannienne)


Les gens sont repartis pour leur longue route chez eux.


Un mois après ils ont tenu à refaire cette longue route pour me montrer leur petit chien X guéri ! Avec ces deux seules doses de Cantharis la peau de leur chien s’est petit à petit asséchée détendue, X aussi ! et au bout d’un mois l’amélioration était spectaculaire.


En homéopathie on ne represcrit pas le remède tant que l’amélioration persiste, j’ai donc simplement ce jour là conseillé aux gens de donner à X une ration alimentaire ménagère que je leur ai prescrite avec un bon apport d’omega 3 via les huiles de lin de chanvre et du poisson gras une à deux fois par semaine. J’ai reçu deux mois plus tard des photos du chien rajeuni avec un pelage redevenu normal et une mobilité parfaite.


Ses maîtres m’ont envoyé longtemps des photos de leur chien qui n’a plus jamais eu de problèmes de peau et a pu vivre jusqu’à l’âge de 14 ans.


Dans ces deux cas je n’ai pas eu à faire de répertorisation des symptômes homéopatiquement intéressants car quand la clinique est suffisamment parlante on peut arriver au bon remède directement.


Les prochains articles seront illustrés par des cas cliniques qui ont demandé une (voire plusieurs) répertorisation(s) pour arriver au bon remède


Cet article illustre ici l’apport inestimable de l’homéopathie dans de nombreuses pathologies, y compris bien entendu des pathologies graves où parfois elle permet de solutionner le cas sans même recourir à l’allopathie.